En mai dernier, OpenAI annonçait travailler sur un outil permettant aux créateurs de définir comment leurs œuvres pourraient être incluses ou exclues des données d’entraînement de ses modèles d’IA. Baptisé Media Manager, cet outil promettait d’identifier les contenus protégés par le droit d’auteur, comme les textes, images, audios et vidéos. Cependant, près de sept mois plus tard, le projet semble être au point mort.
Un projet relégué au second plan ?
Selon des sources internes, Media Manager n’aurait jamais été considéré comme une priorité. Un ancien employé d’OpenAI confie : « Honnêtement, je ne me souviens pas que quelqu’un ait activement travaillé dessus ». De son côté, un collaborateur extérieur ayant discuté du projet avec OpenAI admet ne pas avoir reçu d’information récente à ce sujet.
Le départ de Fred von Lohmann, membre de l’équipe juridique en charge de Media Manager, vers un rôle de consultant à temps partiel en octobre, n’a fait qu’ajouter aux incertitudes. À ce jour, OpenAI n’a donné aucune indication claire sur la progression ou les fonctionnalités de l’outil, laissant planer un doute sur son éventuelle sortie.
Les enjeux du droit d’auteur et des modèles d’IA
Les modèles d’IA, comme ceux d’OpenAI, apprennent à partir de gigantesques ensembles de données pour reconnaître des schémas et effectuer des prédictions. Cette méthode leur permet de produire des contenus impressionnants, comme des vidéos réalistes ou des textes fluides. Toutefois, ces modèles ne se contentent pas d’apprendre : ils régurgitent parfois des données protégées, issues de millions de pages web, vidéos et images utilisées sans autorisation.
Par exemple, le générateur vidéo d’OpenAI, Sora, peut créer des clips incluant des éléments sous copyright, comme le logo TikTok ou des personnages de jeux vidéo populaires. De tels usages suscitent de vives critiques et ont conduit plusieurs créateurs à entamer des actions en justice contre l’entreprise.
Des solutions actuelles jugées insuffisantes
Pour tenter d’apaiser les tensions, OpenAI a proposé des solutions ponctuelles, comme un formulaire permettant aux artistes de demander la suppression de leurs œuvres des ensembles d’entraînement. Cependant, ces méthodes sont souvent jugées complexes et incomplètes, notamment parce qu’elles nécessitent des démarches fastidieuses, comme la soumission manuelle de chaque image à retirer.
Media Manager était censé offrir une alternative plus robuste, permettant aux créateurs de déclarer facilement leurs droits. OpenAI espérait même que cet outil devienne un standard dans l’industrie. Pourtant, les scepticismes restent nombreux. Certains experts, comme Adrian Cyhan, avocat spécialisé en propriété intellectuelle, doutent qu’un tel système puisse gérer efficacement la complexité et l’échelle des contenus concernés, à l’image des défis rencontrés par des géants comme YouTube.
Des critiques sur l’éthique et l’efficacité
Pour Ed Newton-Rex, fondateur de Fairly Trained, un organisme certifiant les pratiques des entreprises d’IA, Media Manager pourrait transférer une responsabilité disproportionnée aux créateurs. Il estime que peu d’entre eux entendraient parler de cet outil, encore moins l’utiliseraient, mais qu’OpenAI pourrait malgré tout s’en servir comme argument pour justifier l’utilisation des œuvres dans ses modèles.
D’autres avocats soulignent que même avec un outil performant, OpenAI ne serait pas exempt de responsabilités légales. « Les propriétaires de droits d’auteur n’ont pas à prévenir les entreprises avant que leurs œuvres ne soient utilisées sans permission », rappelle Evan Everist, spécialiste en droit d’auteur. En clair, Media Manager pourrait bien être davantage un coup de communication qu’une réelle avancée juridique.
Une question de priorités stratégiques
Face à ces défis, OpenAI semble miser sur d’autres stratégies. La société affirme que des filtres internes empêchent ses modèles de reproduire directement des exemples d’entraînement, et elle continue de défendre la notion d’usage équitable (fair use) dans ses batailles judiciaires.
Cependant, les tribunaux pourraient ne pas partager cette vision. Les résultats de ces procès influenceront non seulement l’avenir d’OpenAI, mais également celui de l’ensemble de l’industrie de l’IA. En attendant, la promesse de Media Manager reste en suspens, laissant les créateurs face à leurs propres interrogations sur la manière de protéger leurs œuvres à l’ère de l’intelligence artificielle.
En conclusion, la gestion des droits d’auteur à l’ère des IA pose des questions éthiques et juridiques majeures. Pour les créateurs, il est essentiel de rester informés des évolutions et des recours disponibles. Si vous êtes concerné par ces enjeux, consultez des experts en propriété intellectuelle ou des organismes comme la SACEM ou le CNIL pour mieux protéger vos droits.