De nouvelles observations révèlent l’existence d’un panache magmatique titanesque, ramifié en profondeur sous l’océan Indien, qui jouerait un rôle majeur dans l’activité volcanique mondiale et l’évolution des continents.
Un réseau de panaches sous la surface
Un panache est une remontée de roches anormalement chaudes depuis le manteau terrestre. L’île de la Réunion repose sur l’un d’eux, responsable de l’activité intense du Piton de la Fournaise. Mais ces éruptions modernes sont modestes comparées à celles d’il y a 65 millions d’années, quand les trapps du Deccan ont recouvert 1,5 million de km² de lave en Inde.
En 2012, plus de 80 sismomètres ont été installés sur le fond de l’océan Indien pour cartographier le panache de la Réunion. Les résultats, publiés dans Nature Geoscience, montrent qu’il s’agit d’une structure ramifiée géante, dont les branches alimentent plusieurs points chauds volcaniques actuels.
Une clé pour comprendre les volcans intraplaques
Cette découverte fait écho à une autre étude en Afrique de l’Est, où des chercheurs ont identifié plusieurs têtes de panaches sous la région d’Afar et du Kenya, issus d’une même source à la limite noyau-manteau. Certains auraient provoqué les trapps d’Éthiopie il y a 30 millions d’années et seraient aujourd’hui en train de fusionner.
Ces travaux suggèrent que les panaches ont des origines plus complexes que prévu. Celui sous la Réunion pourrait être presque aussi ancien que la Terre et, à long terme, remodeler la surface terrestre, voire rendre certaines régions inhabitables dans plusieurs dizaines de millions d’années.

Un phénomène que la tectonique des plaques n’explique pas
La tectonique des plaques, bien qu’elle explique l’essentiel de l’activité sismique et volcanique, ne rend pas compte des volcans situés loin des frontières de plaques, comme l’archipel d’Hawaï.
Dès les années 1960, le géophysicien John Tuzo Wilson proposait que ces volcans naissaient lorsque des plaques dérivent au-dessus d’un point chaud fixe. En 1971, William Jason Morgan a précisé que ces points chauds proviendraient de panaches très chauds du manteau inférieur.
Des preuves qui s’accumulent
La présence d’hélium 3 — un isotope très ancien — dans certaines laves, ainsi que le ralentissement des ondes sismiques en traversant ces structures profondes, appuient l’existence des panaches.
Les scientifiques estiment que ces gigantesques remontées de magma ont déjà contribué à briser le supercontinent Gondwana et pourraient, à terme, provoquer la désintégration du continent africain, transformant l’Afrique de l’Est en un nouveau microcontinent.
Ces travaux rappellent que les panaches mantelliques, invisibles à l’œil nu mais détectables grâce aux données sismiques, sont parmi les forces les plus puissantes et les plus anciennes qui façonnent notre planète.

