Face à l’explosion du nombre de drones sur les théâtres d’opérations modernes, troupes et responsables de la sécurité cherchent une parade efficace contre cette menace agile et peu coûteuse. En France, un nouveau système, le Rapidfire Land, développé par Thales et KNDS France, s’apprête à entrer en service pour protéger bases et infrastructures contre essaims de drones, hélicoptères, avions légers, roquettes et mortiers.
Un canon pour dompter le ciel
Au cœur du dispositif, un canon de 40 mm à munitions télescopées signé CTA International (coentreprise KNDS / BAE Systems). Déjà embarqué sur le véhicule Jaguar de l’armée de Terre, il devient ici un véritable « tueur de drones » autonome en défense de site, qu’il s’agisse d’une base métropolitaine ou d’un poste avancé. Avec sa capacité de 140 projectiles sous le canon, il peut enchainer les tirs pendant plusieurs dizaines de secondes sans rechargement. Lors d’une démonstration fin 2023 près d’Orléans, un capitaine du 2e régiment de dragons a souligné la fluidité des tirs, même face à une série d’objectifs se déplaçant à haute vitesse.
La munition intelligente qui explose avant l’impact
La véritable révolution réside dans les munitions airburst A3B, développées pour éclater en vol et libérer des sous-munitions en tungstène avant tout contact. Plus l’explosion a lieu tôt, plus la dispersion couvre une zone étendue : un seul tir peut ainsi neutraliser plusieurs appareils ou intercepter des roquettes entrantes. D’après un communiqué du ministère des Armées, 500 obus A3B sont déjà commandés, avec un déploiement prévu d’ici 2027. Durant les essais, réalisés dans des conditions de vent et de pluie simulées, le taux de réussite des interceptions a atteint 90 %, un score jugé « remarquable » par la direction générale de l’armement.

Un système presque autonome… mais toujours sous contrôle
Le Rapidfire Land ne se contente pas de tirer vite : il calcule, ajuste et corrige. Son calculateur de tir de dernière génération corrige automatiquement la trajectoire après chaque salve, assurant un suivi optimal des cibles rapides ou mouvantes. Seuls deux opérateurs restent mobilisés, chargés d’autoriser l’ouverture du feu. Le reste du processus – acquisition, visée et suivi – est semi-automatisé, réduisant significativement la charge cognitive des équipes tout en maintenant une supervision humaine lors de la phase critique d’engagement.
Une protection flexible, déployable partout
Pour répondre aux enjeux logistiques, deux configurations sont proposées :
Une version conteneurisée, montée sur une plateforme de 20 pieds, pouvant être acheminée par avion de transport ou convoi routier.
Une version mobile, intégrée sur véhicule tactique, prête à suivre les forces en déplacement.
Quelle que soit l’option choisie, la bulle de protection couvre une portée efficace d’environ 4 km, idéale pour sécuriser bases avancées, sites industriels ou infrastructures critiques. Ce niveau de modularité simplifie la montée en puissance lors d’opérations de projection rapide, comme l’ont expérimenté les forces françaises lors d’un exercice en Lituanie en 2024.
Déjà testé… et validé par la marine
Avant sa déclinaison terrestre, le système a passé avec brio ses essais en version navale à bord du ravitailleur Jacques Chevallier. Deux exemplaires ont intercepté avec succès des cibles supersoniques simulées, malgré les conditions atmosphériques parfois difficiles en mer du Nord. Selon un ingénieur de la Marine nationale, ces essais ont démontré « une fiabilité et une rapidité d’engagement hors norme ». Fort de ces résultats, le ministère des Armées a validé une première commande de 14 systèmes Rapidfire Land, avec une option pour 34 unités supplémentaires.
Pourquoi c’est important
Les conflits récents – en Ukraine ou au Moyen-Orient – ont clairement illustré la menace posée par les essaims de drones et les munitions intelligentes à bas coût. Les défenses traditionnelles, conçues pour des menaces plus classiques, peinent à résister à ces attaques saturantes. Le Rapidfire Land incarne une réponse moderne, rapide et économiquement attractive : il permet de reprendre l’initiative et de garantir la sécurité des forces et des populations. À l’avenir, ce canon intelligent pourrait bien devenir la référence des défenses sol-air rapprochées, prêt à relever les défis de la guerre de demain.

