Dans le désert brûlant d’Arabie saoudite, un projet architectural démesuré prend forme. Baptisé The Line, ce gratte-ciel ultra futuriste, long de 170 kilomètres et haut de 500 mètres, promet une ville écologique sans routes ni voitures, alimentée à 100 % par les énergies renouvelables. Mais derrière ce rêve d’urbanisme durable se cache un problème bien réel : la survie de millions d’oiseaux migrateurs.
Un couloir de verre dans une voie migratoire
The Line n’a pas été posé au hasard. Il se situe en plein sur une route migratoire majeure empruntée chaque année par des milliards d’oiseaux venus d’Afrique, d’Europe ou d’Asie. Une position stratégique pour l’observation de la faune… mais une menace directe pour ces animaux.
Selon des documents internes consultés par la presse, les concepteurs du projet eux-mêmes admettent qu’il est « inévitable qu’un nombre important d’oiseaux périssent » en percutant les façades vitrées du bâtiment. L’effet miroir, reflet du ciel ou du paysage, désoriente les oiseaux en vol, qui ne réalisent pas qu’ils foncent droit dans un obstacle.
Ces préoccupations ne sont pas théoriques : elles sont déjà illustrées par des études scientifiques sur d’autres constructions similaires. Des gratte-ciel vitrés à New York ou à Toronto provoquent chaque année la mort de milliers d’oiseaux par collision involontaire.
Une ambition verte qui vacille
Présenté comme un symbole de durabilité, The Line devait incarner la ville de demain : dense, verticale, propre, et en harmonie avec la nature. Le discours des responsables du projet est resté fidèle à cette vision. « Une opportunité de repenser la relation entre urbanisme et environnement« , affirmait encore récemment Denis Hickey, en charge du développement.
Mais sur le terrain, la réalité est toute autre. Le projet, estimé à 500 milliards de dollars, peine à tenir ses promesses. L’idée d’accueillir 9 millions d’habitants d’ici 2030 semble déjà hors d’atteinte. Selon les dernières projections, seuls 300 000 résidents pourraient intégrer la structure à cette échéance.
Des retards, du béton… et du diesel
À l’heure actuelle, The Line ressemble davantage à un chantier titanesque qu’à une oasis high-tech. Les pelleteuses s’activent, les camions diesel se relaient jour et nuit, et les fondations initialement installées ont été en partie abandonnées. L’essentiel des efforts porte sur des travaux de terrassement massifs, loin de l’image écoresponsable vendue au départ.
De nombreux observateurs s’interrogent : comment concilier un tel chantier, au bilan carbone encore flou, avec une ambition écologique affichée aussi haut ? Et surtout, comment préserver la biodiversité locale, alors que les premières victimes se dessinent déjà dans le ciel ?
En voulant bâtir une ville révolutionnaire, l’Arabie saoudite pourrait bien provoquer une catastrophe écologique invisible mais massive. L’avenir de The Line, et de sa légitimité environnementale, se jouera autant dans ses choix technologiques que dans sa capacité à intégrer réellement la nature à son projet. Car entre promesse verte et réalité de terrain, le fossé semble pour l’instant aussi profond que les fondations de ce gigantesque mur de verre.

