Longtemps resté un sujet discret, le secteur de la défense en Europe retrouve aujourd’hui le devant de la scène. Contexte géopolitique tendu, relance stratégique et enjeux d’indépendance technologique poussent les États à redoubler d’ambition. Dans cette dynamique, certaines entreprises, souvent méconnues du grand public, se révèlent être des piliers incontournables de l’industrie militaire mondiale.
Un tournant stratégique pour la défense européenne
Entre l’ombre d’un conflit russo-ukrainien qui perdure et la perspective d’un désengagement américain de l’Europe, les pays du Vieux Continent n’ont plus vraiment le luxe d’attendre. Le signal est clair : il faut réinvestir massivement dans la défense. Un message repris en chœur par plusieurs chefs d’État européens, appuyés par un plan massif de la Commission européenne : « ReArm Europe », doté d’un budget potentiel de 800 milliards d’euros.
Ce programme, dévoilé début mars, vise à relancer la production militaire au sein de l’Union, avec une montée en puissance annoncée sur plusieurs fronts : aéronautique, armement terrestre, aérospatial, et cybersécurité. Et pour porter ces ambitions, les regards se tournent vers les 27 entreprises européennes qui figurent parmi les 100 plus grandes firmes de défense au monde, selon le classement de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI).
Des géants européens déjà au sommet
En tête de file, on retrouve BAE Systems, colosse britannique et leader européen de la défense avec près de 30 milliards de dollars de recettes militaires en 2023. Acteur central dans la production de l’avion Eurofighter Typhoon, BAE incarne la puissance industrielle du Royaume-Uni dans ce domaine.
Derrière lui, des mastodontes comme Airbus (12,9 milliards $), Leonardo (12,4 milliards $) et Thalès (10,3 milliards $) pèsent également lourd dans la balance. Ces entreprises, bien que présentes aussi sur le marché civil, réalisent une part significative de leur chiffre d’affaires dans la défense et la sécurité.
Airbus, par exemple, produit des avions de transport militaire comme l’A400M, tandis que Leonardo, groupe italien historique, s’illustre dans la fabrication de missiles, radars, et hélicoptères de combat.
La France, acteur majeur du secteur
Cocorico côté hexagonal : la France aligne pas moins de cinq entreprises dans ce classement, sans compter Airbus, considéré comme paneuropéen. Parmi elles :
Thalès, spécialisé en électronique de défense et en systèmes embarqués.
Naval Group, leader mondial de la construction navale militaire.
Safran, expert en propulsion aéronautique.
Dassault Aviation, constructeur des célèbres Rafale et Mirage, réputés parmi les meilleurs avions de chasse au monde.
Le CEA (Commissariat à l’énergie atomique), acteur de l’armement nucléaire.
En cumulé, ces sociétés ont généré plus de 25 milliards de dollars de recettes liées à la défense en 2023, illustrant la place stratégique de l’industrie française dans le paysage européen.
Une industrie diversifiée et continentale
Ce classement SIPRI reflète également la diversité géographique de l’écosystème européen. On y retrouve :
7 entreprises britanniques, dont Rolls-Royce ou QinetiQ,
4 allemandes, comme Rheinmetall ou ThyssenKrupp,
3 sociétés paneuropéennes, à l’image de MBDA (missiles),
Mais aussi des acteurs venus de Suède, Norvège, Pologne, République tchèque, Espagne et même Ukraine.
À noter : l’entreprise ukrainienne Ukrainian Defense Industry figure au 60e rang mondial, avec 100 % de ses revenus tirés de la défense. Un reflet direct de l’impact du conflit dans l’est du continent.
Une montée en puissance surveillée
Alors que l’Europe se réarme, les enjeux industriels et stratégiques se croisent : renforcer l’autonomie tout en garantissant l’efficacité, sécuriser les approvisionnements tout en limitant la dépendance technologique. Une tâche colossale, mais désormais assumée par les États et portée par un tissu d’entreprises déjà bien ancré à l’international.
L’enjeu n’est plus seulement de produire, mais de rester à la pointe : drones, cyberdéfense, intelligence artificielle militaire, autant de domaines dans lesquels ces géants sont déjà engagés. Et dans les années à venir, leur rôle pourrait bien être plus décisif encore qu’on ne l’imagine aujourd’hui.
